Amer amour (les forêts de la rancune)

Henri sait puisquŽil y pense beaucoup lui aussi, à cette femme quŽil devrait détester et dont il se souvient avec acuité, de lŽattitude de fierté et de provocation pendant cette scène dans le square, de la rage haineuse de lŽAllemand, du coup après le crachat, de la brutalité de lŽembarquement dans la voiture, du silence de la foule. Il en a parlé rapidement tout à lŽheure à madame Georgette et aussi à monsieur Raoul qui a promis de se renseigner. Seulement il ne lui a pas semblé optimiste et surtout il a dit quŽavec un type comme Gunther, bafoué en public, cela pouvait mal finir.



- Oui, je sais, celle de ta gonzesse, la garce, quŽon croyait pas capable dŽun truc comme ça. CŽest un comble. Toi, tu lŽas retournée, cŽest bien, si on veut mais elle a quand même fait un sale boulot avant. Dis, tu penses à Roger, à René, Vladi, à ta poule, la chouette fille du café Blanchard, hein ? Tiens, restons pas là, viens, marchons.
- Tu as raison... marchons... JŽai souvent remarqué que lŽhomme... mais je parle surtout pour moi, quand il hésite, a peur... se pose des questions auxquelles les réponses commencent à manquer, le mieux quŽil puisse faire... cŽest de marcher, même sans but.
- TŽas pas les réponses. Toi ?
- Peut-être... Tu vois... en marchant... Après tout, tu sais : Juliette... cela nŽa pas dŽimportance... » Il sŽarrête, prend le bras de son ami qui, indécis sŽest arrêté aussi, le regarde, nŽa pas bien compris, hésite...
« On va y arriver Henri...
- Je sais... » Il est trop tôt pour le Caboteur.
Ils regagnent le quai avec ses bistrots, ses ruines où sŽaffairent des déblayeurs, remontent la rue de Flandre, jusquŽau cinéma Royal où ils entrent. La séance est en cours. Henri paye deux billets. Ils sŽinstallent dans la demi-obscurité rassurante... attendent...